Le colloque « L’illusion en jeu : Techniques — Outils — Histoire » a pour ambition d’explorer les différentes manières de concevoir, d’écrire et d’appliquer l’illusion dans les arts du spectacle.
Que ce soit sur une scène théâtrale ou sur la piste de cirque, au sein d’un continuum sonore ou d’images animées, toute représentation, puisqu’elle fait revivre un événement passé, qu’elle projette des événements futurs ou imaginaires, doit prendre une apparence de réalité. Pour y parvenir, les créateurs et leurs équipes se sont efforcés d’effacer les instances techniques (éclairages, microphones, caméras). Mais dès lors comment présenter le surnaturel et l’impossible – dont la littérature fantastique et l’opéra du merveilleux ont fourni le vaste répertoire de formes – sans faire ressurgir l’artificialité de l’espace de représentation ?
La conséquente « littérature des secrets » décrit ces trucs et trucages, ils peuvent reposer autant sur de simples astuces que sur de complexes installations. Mais par-delà ses moyens et ses aspects matériels, l’effet illusionniste interroge toujours. L’illusion tire sa puissance de son immédiateté. Elle s’adresse directement aux sens, traverse l’imagination pour toucher l’entendement. Dans le cadre d’un « espace de jeu », cette perception n’est plus immédiate. L’illusion y est filtrée, travaillée et mise en scène. « Ce n’est que du théâtre », « Ce n’est que du cinéma » s’exclame l’incrédule qui, surpris, s’extrait du registre de la représentation pour analyser une performance.
Comment faire surgir ces effets, ces apparentes impossibilités sans mettre en lumière l’artificialité des espaces de représentation dans lesquels ils se produisent ? Comment ne pas rompre le pacte de lecture, ne pas faire basculer le regard et scander la narration ?
L’étymologie du terme « illusion » vient de l’entrée en jeu (in ludo). Le jeu de miroir du titre vise à interroger les illusions ludiques. Nous les appréhenderons dans la lignée des expériences récréatives et sciences amusantes qui se sont développées au XVIIIe. Sous leur aspect spectaculaire et mystérieux, elles ont souvent visé à la pédagogie par le désenchantement. Le colloque « l’Illusion en jeu » visera ainsi moins à reprendre les discours portés sur l’illusion considérée comme « trompe-l’esprit » qui, depuis le discours des sophistes et mythe de la caverne de Platon, induit en erreur et alimente un discours dénonciateur. Plutôt que de la rejeter, il s’agira de convoquer et de comprendre sa mise en œuvre.
Comment est-elle amenée, comment est-elle annoncée ? Comment entre-t-elle en jeu et se déploie-t-elle ? Quels en sont les seuils : à partir de quand y a-t-il illusion, à partir de quand est-elle perceptible… et quand trahit-elle sa présence ?
Que ce soit dans le cadre de films à trucs, d’astuces acoustiques, de décors truqués, ou de spectacles féeriques, les concepteurs d’illusion ont exploré de manière pragmatique ces questions et ces limites. Nous faisons l’hypothèse qu’ils ont élaborés une série d’outils et de procédures spécifiques. Les mettre à jour pourrait éclairer la création et repenser l’histoire de ces formes trop souvent considérées comme marginales ou autonomes.
Ce colloque invite à repenser l’apport du vaste champ magique et des manifestations illusionnistes, à l’histoire des arts de la représentation.
Les propositions porteront sur trois axes de recherche :
Outils de l’illusion :
Les outils de l’illusion sont-ils spécifiques ou simplement détournés ?
Comment sont-ils mis en œuvre et de quoi dépendent-ils ?
Histoire de l’illusion :
Comment faire une histoire de ces « jeux d’illusion » et dépasser le clivage des genres et des médias ?
Comment, à différents moments historiques, science et spectacle se sont-ils noués pour créer des effets illusionnistes ?
Effets de l’illusion :
Comment utiliser l’illusion et à quelles fins ?
Qu’a-t-on à gagner ou à perdre dans le regard du spectateur ?
Pourquoi jouer de ces bascules de regard ?
Ce premier évènement espère apporter sinon des réponses, du moins des pistes de réflexion pour jeter un éclairage nouveau sur ces vastes interrogations.